Le droit au retour des réfugiés palestiniens: de quoi parle-t-on?

Qui sont les réfugiés palestiniens?

Selon la définition de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA – United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East en anglais) — Office créé en 1949 pour subvenir aux besoins de base des Palestiniens en matière de santé, d’éducation et de services sociaux. Malgré sa vocation à être temporaire, l’UNRWA continue de délivrer ses services dans les camps de réfugiés  — sont considérés comme réfugiés les Palestiniens qui résidaient en Palestine mandataire entre juin 1946 et mai 1948 et qui ont fui ou ont été expulsés de leurs foyers suite à la guerre israélo-arabe. Leurs descendants sont également considérés comme réfugiés.

À la fin de la guerre israélo-arabe, en 1949, 156 000 Arabes palestiniens restent en Israël et deviennent de fait des citoyens israéliens. Parmi eux, 32 000 sont des déplacés internes à qui l’on refuse le droit de retourner chez eux. Quant aux Palestiniens qui se retrouvent au-delà des limites du nouvel État juif, ils sont également privés de tout droit de retour. D’un côté ou de l’autre de la frontière, aucune compensation n’est proposée par Israël.   

Entre 1947 et 1949, plus de 500 villes et villages palestiniens sont débarrassés de leurs habitants et, selon les chiffres de l’ONU, 711 000 palestiniens perdent l’accès à leurs terres ainsi que tous leurs biens. En 1953, on enregistre déjà plus de 870 000 réfugiés, dont plus de 34% relocalisés dans des camps en Jordanie, en Syrie, au Liban et en Égypte. Toutefois, leur nombre réel est probablement supérieur car beaucoup ne parviennent pas à s’enregistrer auprès de l’UNRWA du fait de complications bureaucratiques (1).

Origines de la crise des réfugiés palestiniens

La crise des réfugiés palestiniens est la conséquence directe et inéluctable de l’établissement d’un État à domination juive en Palestine historique. Le plan de partage de la Palestine proposé par les Nations Unies  — qui à cette occasion ne prend pas la peine de consulter la population palestinienne native — accorde 55% du territoire aux Juifs pour l’établissement d’un État séparé, alors qu’ils en occupent seulement 6% jusqu’alors et représentent un tiers de la population. Selon cette proposition, le nouvel État d’Israël devait rassembler 498 000 Juifs et et 407 000 Arabes (sans compter les 90 000 Bédouins nomades) (2). Mais, encouragés par cette décision de l’ONU, les milices sionistes continuent de chasser les Palestiniens hors de leurs villages. Finalement, entre 1947 et 1949, plus de 700 000 Palestiniens sont expulsés ou doivent fuir leurs foyers devant la répression des milices.   

de l’établissement d’un État à domination juive en Palestine historique. Le plan de partage de la Palestine proposé par les Nations Unies  — qui à cette occasion ne prend pas la peine de consulter la population palestinienne native — accorde 55% du territoire aux Juifs pour l’établissement d’un État séparé, alors qu’ils en occupent seulement 6% jusqu’alors et représentent un tiers de la population. Selon cette proposition, le nouvel État d’Israël devait rassembler 498 000 Juifs et et 407 000 Arabes (sans compter les 90 000 Bédouins nomades) (2). Mais, encouragés par cette décision de l’ONU, les milices sionistes continuent de chasser les Palestiniens hors de leurs villages. Finalement, entre 1947 et 1949, plus de 700 000 Palestiniens sont expulsés ou doivent fuir leurs foyers devant la répression des milices.   

Cette campagne d’éviction extrêmement violente est connue comme le Plan Dalet, ou Plan D. Elle est dirigée par le le Premier Ministre israélien de l’époque, David Ben Gourion et ses “consultants”, soit une douzaine de personnalités militaires et policières. L’objectif est de débarrasser le territoire de toute présence palestinienne afin de créer la majorité juive désirée dans le nouvel État déclaré (3). Le plan est un “succès” puisque 90% de la population palestinienne est évacuée, fuyant vers la Bande de Gaza, la Cisjordanie et les pays arabes voisins: Jordanie, Liban, Syrie, Égypte et Irak. La mise en oeuvre du Plan Dalet commence avant l’attaque d’Israël par les armées arabes de 1948.   

Bien que la guerre de 1948 se conclue par un ensemble d’accords d’armistices signés en 1949, les déplacements forcés de la population locale continue au moins jusqu’à la fin des années 1950 (4). Aujourd’hui, la population totale de réfugiés palestiniens atteint plus de six millions de personnes. L’État d’Israël leur interdit de retourner sur leurs anciennes propriétés, violant de ce fait le droit international.  

Base juridique du Droit au retour des réfugiés palestiniens

Le droit au retour des Palestiniens est ancré dans le droit international. Selon Susan Akram de la faculté de droit de Boston University, fondatrice de Asylum and Human Rights Clinic au sein des services juridiques de la région de Boston, le droit au retour “est présent dans les principaux traités et règlements sur la protection des individus et des groupes en temps de conflits armés, dans le droit humanitaire et le droit de la guerre. On le trouve dans les traités et principes régulant les enjeux de nationalités et de succession d’États. On le trouve enfin au coeur des conventions des Droits de l’homme régulant les obligations des États en temps de paix comme en temps de guerre, en particulier les dispositions à l’égard des réfugiés (5).”

Ci-dessous, nous présentons quelques éléments de droit international qui s’appliquent à la situation des réfugiés Palestiniens.

Déclaration Universelle des Droits de l’Homme:

Elle est adoptée par les Nations Unies en décembre 1948 et s’applique à tous les États membres, dont Israël. L’article 13 (b) déclare: “Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.” Les réfugiés palestiniens disposent de ce droit au même titre que tous les autres réfugiés.

Pacte International relatif aux droits civils et politiques:

Ce Pacte est signé par Israël le 3 octobre 1991. L’article 12 (d) stipule que: “Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays.” Le droit au retour est donc solidement ancré dans le droit international coutumier. Israël, en tant que signataire de ces pactes, est tenu d’en respecter les principes.  

Résolution 194 de l’Assemblée Générale des Nations Unies:

La résolution 194 est adoptée le lendemain de l’adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, pour garantir au sein du droit international la loi permettant aux réfugiés de retourner chez eux. Le paragraphe 11 (a) de cette résolution stipule que l’ONU:

Décide qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les Gouvernements ou autorités responsables ; Décide qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les Gouvernements ou autorités responsables ;

Bien que les résolutions de l’Assemblée Générale soient non contraignantes dans le droit international, l’objectif de la résolution 194 est de garantir des lois existantes, plutôt que d’en créer de nouvelles. Le comte Folke Bernadotte, à l’époque le rapporteur spécial de l’ONU pour la Palestine, demande à l’Assemblée Générale d’affirmer et de garantir les droits des personnes déplacées, qui sont juridiquement contraignants sous le droit international coutumier. Par ailleurs, la Convention de La Haye de 1907 réclamait des réparations sous forme de restitution ou de compensation aux propriétaires spoliés en cas de destruction et de pillage de leur propriété sans nécessité militaire. Israël était donc tenu de verser des réparations de ces crimes avant même la Résolution 194.  

Enfin, l’ONU accepte la Déclaration de l’État d’israël à la condition que ce dernier reconnaisse le droit de retour des réfugiés palestiniens. La Résolution 194 reflète la volonté de la communauté internationale, et a été réaffirmée par l’ONU plus de 135 fois.

Résolution 181 (II) de l’Assemblée Générale des Nations Unies (Plan de partage):

Bien que la Résolution 181 (II) de l’Assemblée générale de l’ONU — qui propose le partage de la Palestine en deux États, l’un juif et l’autre arabe — soit injuste vis à vis des Palestiniens, elle en appelle à toutes les parties à respecter les droits des minorités dans chaque État. La résolution déclare explicitement que:   

Aucune expropriation d’un terrain possédé par un Arabe dans l’État juif (par un Juif dans l’État arabe) ne sera autorisée, sauf pour cause d’utilité publique. Dans tous les cas d’expropriation, le propriétaire sera entièrement et préalablement indemnisé, au taux fixé par la Cour suprême.

Là encore, bien que les résolutions de l’Assemblée générale ne soient pas contraignantes dans le cadre du droit international (ce qui signifie également que le plan de partage qui a permis la création d’Israël était une résolution non contraignante), les leaders de l’État juif ont accepté cette résolution et ont basé la Déclaration d’Indépendance d’Israël sur “la force de la résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies [Resolution 181].” Ainsi, selon l’ONU, Israël est tenu de respecter les dispositions de la résolution, et notamment celle qui en réfère spécifiquement aux droits des minorités et aux intérêts de propriété (6).   

Résolution 46 du Conseil de Sécurité des Nations Unies:

Le 17 avril 1948, moins d’un mois avant la Déclaration d’Indépendance d’Israël, le Conseil de Sécurité adopte une résolution censée garantir les droits des habitants palestiniens. Cette résolution 46 convie toutes personnes et organisations en Palestine à:

S’abstenir, en attendant que l’Assemblée générale ait poursuivi l’examen de la question du gouvernement de la Palestine, de toute activité politique qui pourrait porter préjudice aux droits, aux titres ou à la position de l’une ou l’autre communauté ;

Au même moment, Haganah (l’organisation paramilitaire sioniste qui deviendra par la suite les Forces de Défense israélienne) continue son travail de destruction systématique des villages palestiniens et d’expulsion de leurs habitants. Les résolutions du Conseil de Sécurité étant quant à elles contraignantes en vertu du droit international, Israël est de ce fait responsable de la restitution et/ou de la compensation des Palestiniens affectés.

Mise en oeuvre du Droit de retour des réfugiés palestiniens

Il est indispensable que l’État d’Israël reconnaisse enfin le droit des réfugiés palestiniens à rentrer chez eux. Mais au-delà de la reconnaissance, tous les efforts doivent être faits pour mettre en oeuvre le droit des “réfugiés qui le désirent de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins (Résolution 194 III)”. Ceux dont les foyers ont été détruits ou qui décident de ne pas exercer ce droit devraient recevoir la compensation adéquate. Israël est responsable de la spoliation et de l’expulsion violente de centaines de milliers de Palestiniens et leur refuse, jusqu’à aujourd’hui, le droit de retourner chez eux. Tant qu’Israël refusera d’assumer cette responsabilité et les exigences qui en découlent, la paix, la justice et la réconciliation seront inenvisageables. Le droit de retour des réfugiés palestiniens ne peut être étouffé dans un accord de paix avec Israël. Il est un droit individuel, en plus d’être un droit collectif.

La mise en oeuvre de ce droit n’implique pas le déplacement de la population israélienne actuelle. La géographe palestinienne Salman Abu-Sitta a mené des études qui démontrent que la majorité des zones dont sont originaires les réfugiés palestiniens sont peuplée par à peine 1,5% de la population israélienne, et la grande majorité des anciens villages palestiniens sont restés vides. Selon Abu-Sitta, “plus de 90% des réfugiés rentreraient sur des sites inhabités. Sur le nombre de villages affectés, 75% sont situés sur des terres possédées entièrement par des Arabes et 25% sur des terres partiellement possédées par des israéliens. Seulement 27% des villages affectés par les nouvelles constructions israéliennes ont une population de plus de 10 000 personnes. Les autres sont beaucoup moins peuplés (7).”   

Le droit des réfugiés à retourner sur leurs terres devrait être couplé avec un droit de seconds occupants pour les israéliens juifs, puisqu’eux aussi ont développé une connexion à la terre. Ils ne devraient pas être à leur tour déplacés en conséquence d’un retour des réfugiés (8). BADIL et Zochrot ont commencé à réfléchir à ces questions et ont proposé que dans certains cas la médiation et l’arbitrage soient utilisés afin de déterminer les droits des occupants actuels (9). Ainsi que le font remarquer Ibish et Abunimah: “une fois qu’Israël aura accepté le droit de retour, les Palestiniens et les Israéliens devront négocier les modalités pour une administration harmonieuse du programme de retour. Cela pourrait inclure, entre autres options administratives, de limiter le nombre annuel de retours, sans limiter le nombre total (10).” Beaucoup de réfugiés palestiniens pourraient décider de ne pas retourner à leurs anciennes propriétés, ou bien d’y retourner occasionnellement pour visiter mais pas pour y vivre. Quelque soit le cas, chaque individu disposera du droit inaliénable de décider pour lui-même.  

Notes:

(1) Morris, Benny, The Birth of the Palestinian Refugee Problem Revisited, Cambridge University Press, Cambridge: 2004.

(2) United Nations Special Committee on Palestine (UNSCOP), Report to the General Assembly, vol. 1, p. 54.

(3) Khalidi, Walid, “Plan Dalet: master plan for the conquest of Palestine”, J. Palestine Studies 18 (1), 1988, p. 4-33; Pappe, Ilan, The Ethnic Cleansing of Palestine, OneWorld, Oxford: 2007.

(4) Senechal, Thierry and Hilal, Leila, “The Value of 1948 Palestinian Refugee Material Damages: An Estimate Based on International Standards” in Compensation to Palestinian Refugees and the Search for Palestinian-Israeli Peace, Ed. Rex Brynen and Roula El-Rifai, Pluto Press, London: 2013, p. 132.

(5) LeVine, Mark, “Why Palestinians have a right to return home”, Al Jazeera, September 23, 2011, accessed from http://www.aljazeera.com/indepth/opinion/2011/09/2011922135540203743.html on July 23, 2013.

(6) United Nations Committe on the Exercise of the Inalienable Rights of the Palestinian People (CEIRPP), The Right of the Return of the Palestinian People, UN doc. St/Sg/SER.F/2, 1 November 1978 at Chpater IV.

(7) Abu Sitta, Salman, “The Implementation of the Right of Return”, Palestine-Israel Journal of Politics, Economics and Culture, vol. 15 (4), August, 2009.

(8) Kagan, Michael, “Do Israeli Rights conflict with the Palestinian Right of Return? Identifying the possible legal arguments”, BADIL, Working Paper No. 10, August 2005.

(9) Jamjoum, Hazem (Ed), “Transfer of Population… Return of the People”, Al Majdal, BADIL, No. 49 (Spring-Summer 2012).

(10) Ibish, Hussein, and Abunimah, Ali, “Point: The Palestinians’ Right of Return.” Human Rights Brief 8, no. 2 (2001): 4, 6-7.