Cher·es concitoyen·nes juif·ves du Canada,
C’est avec une profonde tristesse, mais sans grande surprise, que nous observons en temps réel l’État d’Israël manœuvrer pour éventrer son propre appareil judiciaire. Ce faisant, il détruit le principal mécanisme de contrôle interne sur le pouvoir du gouvernement d’Israël, lequel est aujourd’hui plus radicalement de droite qu’il ne l’a jamais été.
Certains membres de premier plan du cabinet, comme le leader du parti Jewish Power, Itamar Ben-Gvir, et l’autoproclamé « fasciste homophobe », Bezalel Smotrich, qui font depuis longtemps leur beurre du racisme et de la violence, seront désormais libre de sévir sans craindre l’opposition des tribunaux.
Cette attaque éhontée contre le pouvoir judiciaire est le corollaire inévitable d’un État qui prouve régulièrement qu’il accorde plus de valeur à certaines vies qu’à d’autres. Ce traitement inéquitable se reflète d’ailleurs dans les plus de 65 lois codifiant la discrimination à l’égard des Palestiniens et Palestiniennes en Israël, dans les territoires occupés et dans la diaspora, dont la loi sur l’État-nation de 2018, qui stipule que « le droit d’exercer l’autodétermination nationale au sein de l’État d’Israël est exclusif au peuple juif. »
Tous ces éléments sont interreliés : l’affaiblissement de l’appareil judiciaire; les lois discriminatoires; la complaisance à l’égard des racistes et leur accession au pouvoir; et le système d’apartheid désormais largement reconnu, qui, selon la principale organisation de défense des droits de la personne en Israël, B’Tselem, fait en sorte qu’il n’y a pas « un seul pouce carré dans les territoires que contrôle Israël où un Palestinien et un Juif sont égaux. »
Nous comprenons que les Juif·ves désirent préserver Israël en tant que refuge contre l’antisémitisme à l’échelle mondiale. Mais il est impossible de préserver notre sécurité dans un espace où l’humanité de l’ensemble des personnes qui y vivent, qu’elles soient juives ou non-juives, israéliennes ou palestiniennes, n’est pas pleinement reconnue et protégée.
La sécurité des Juif·ves ne doit pas être acquise au prix des maisons et des vies palestiniennes.
Nous comprenons également les pressions qui s’exercent contre la formulation de critiques sévères à l’endroit d’Israël. Il est néanmoins temps de prendre la parole pour dénoncer non seulement l’état de la démocratie en Israël, mais aussi la structure fondamentalement inégalitaire de l’État. On ne peut tolérer qu’une démocratie pour les Juif·ves soit doublée d’une dictature militarisée pour les Palestinien·nes à l’intérieur d’un même territoire et sous un même régime.
Seulement en janvier de cette année, 35 Palestiniens et Palestiniennes ont été tué·es par les forces israéliennes ou par des colons en Cisjordanie. Le gouvernement actuel ne fait qu’accélérer la colonisation illégale, tout en garantissant une impunité presque complète aux colons qui posent des actions violentes contre les communautés palestiniennes. Combien de personnes devront encore souffrir ou mourir avant que nous élevions enfin la voix, en tant que communauté, pour dire « pas en notre nom »?
Pour les Palestinien·nes qui vivent dans les territoires occupés, qui n’ont pas le droit de voter pour le gouvernement qui les domine, la Cour suprême est la seule instance vers laquelle il est encore possible de se tourner pour contester les décisions du gouvernement israélien et demander justice, pour insaisissable que leur soit cette dernière. Le gouvernement cherche maintenant à leur enlever cet ultime recours.
Tandis que d’autres nations dénoncent de plus en plus ouvertement cette situation, le Canada continue de soutenir l’État d’Israël au moment où celui-ci renforce sa domination violente sur la population palestinienne, en plus de manœuvrer pour le protéger des sanctions internationales. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons élever nos voix, exiger la justice pour les Palestiniens et Palestiniennes, et tenir le gouvernement israélien responsable de ses actions.
C’est maintenant qu’il faut prendre la parole.
L’shalom,
Voix juives indépendantes