Réflexions sur la Nakba en cours, 76 ans plus tard

Fuyant d’incessants bombardements, un médecin – issu d’une famille de réfugiés, comme la
majeure partie de la population de Gaza – griffonne l’inscription « Souvenez-vous de nos
noms » sur un tableau blanc dans un hôpital. Un adolescent porte la dépouille de son père dans
plusieurs sacs de plastique. Une mère traîne ses enfants dans un traîneau improvisé parmi les
décombres, sur des kilomètres.
La Nakba est souvent comprise comme un événement historique isolé, une singulière
catastrophe limitée dans le temps. Mais la vérité est que la Nakba n’a jamais cessé, tout
comme le projet sioniste n’a jamais relâché sa violence. La Nakba est en fait une série de
catastrophes imbriquées qui se déroulent simultanément.
Une fillette de six ans meurt seule, abandonnée dans la voiture familiale, entourée de chars
israéliens.
Ces catastrophes se multiplient, tandis que les pertes brisent les familles, une après l’autre.
Tandis que les bombes détruisent systématiquement les maisons, les hôpitaux et les
universités.

Devant une Nakba aussi intense et aussi persistante, comment est-il possible de détourner le
regard de la Palestine?
Le gouvernement du Canada préfère encore continuer de confondre le soutien à Israël avec le
judaïsme, d’organiser des audiences, pour faire diversion, sous prétexte d’examiner
l’« antisémitisme » (c’est-à-dire, l’antisionisme) sur les campus, tout en laissant croire que le
soutien à un État génocidaire serait une valeur juive.
Le Canada reconnaît le Jour de l’indépendance d’Israël, mais garde le silence sur la Nakba. Il
prétend défendre le « droit international » tout en excusant, à chaque tournant, les violations
des droits de la personne commises par Israël.
Aux Nations Unies, la semaine dernière, le Canada s’est abstenu de voter sur la
reconnaissance de la Palestine comme État membre, plutôt que de voter contre une telle
résolution, comme il en avait jusqu’ici l’habitude. Ce signe d’une évolution dans la politique
canadienne vis-à-vis la Palestine semble bien dérisoire au regard des innombrables moyens
par lesquels le Canada se fait complice des agressions israéliennes.
Cette complicité passe aussi par les universités dont les investissements financent la machine
de guerre. Elle passe par des organismes de « bienfaisance » qui soutiennent les colons
israéliens et financent Tsahal, comme Mizrachi Canada, qui offre des reçus d’impôt aux
Canadiens et Canadiennes qui financent la dépossession continue des Palestiniens et
Palestiniennes.
La complicité passe par des organisations sionistes comme CIJA et B’nai Brith, qui défendent
Israël à tout prix et encouragent certaines des perspectives les plus réactionnaires au sein de la
communauté juive. Des projets d’écoblanchiment du Fonds national juif aux ventes locales de
terres illégalement occupées, en passant par les formations à la défense d’Israël dans les
écoles hébraïques et la fabrication du consentement de masse au génocide, ces organisations
sont activement complices de la Nakba permanente.
Mais ce qui se perpétue aussi, ce qui grandit chaque jour, c’est la résistance à la Nakba. Le
mouvement populaire pour une Palestine libre atteint maintenant une masse critique, au
moment où l’opposition au génocide en cours à Gaza se manifeste un peu partout sur la
planète et où des millions de personnes s’éveillent enfin aux réalités que subit le peuple
palestinien depuis des dizaines d’années.
Des étudiant·es de partout au Canada se sont engagé·es ensemble dans la résistance, et les
étudiant·es juif·ves sont au cœur des nombreux campements de solidarité qui ont surgi au pays
au cours des dernières semaines. Au moment où les chabbats pour Gaza et les séders de
solidarité rassemblent des allié·es juif·ves et palestinien·nes, notre mouvement grandit et se
renforce constamment.

Le peuple palestinien de Gaza, des quatre coins de la Palestine historique et de toute la
diaspora résiste depuis maintenant 76 ans à l’effacement de sa culture, de ses terres et de ses
vies par le colonialisme sioniste. Sa résistance est nécessaire et plus urgente que jamais.
Aujourd’hui, tandis que des millions de personnes à travers le monde se joignent à la résistance
du peuple palestinien, nous avons la possibilité de créer un avenir de paix ancré dans la justice.