Ottawa, le 23 mai 2024 – Un nouveau collectif, la Coalition contre l’antisémitisme, le racisme anti-palestinien et l’islamophobie (CCARAI), sonne l’alarme au sujet de ce qu’il considère comme un « simulacre de procès » au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. L’étude, intitulée « Antisémitisme et mesures supplémentaires qui pourraient être prises pour répondre aux craintes légitimes exprimées par la communauté juive du Canada », a entendu sa première série de témoins le 9 mai, et accueillera ses deuxième et troisième séries de témoins aujourd’hui et lundi prochain, le 27 mai. Le comité mènera ensuite une étude parallèle sur l’islamophobie, suite à la proposition du membre néo-démocrate du comité, Randall Garrison.
Ces audiences sont le résultat d’une motion présentée par le député libéral Anthony Housefather, qui semble avoir été inspiré par les audiences du Congrès américain en novembre, qui ont entraîné la démission des présidents de Harvard et de l’université de Pennsylvanie. Comme les audiences du Congrès américain, les audiences canadiennes ont moins porté sur l’antisémitisme que sur le malaise exprimé par les étudiants et les professeurs pro-israéliens dans un contexte de montée en puissance du mouvement en faveur des droits de la personne des Palestinien.ne.s.
« Jusqu’à présent, les auditions ont été un exercice de théâtre politique, apparemment destiné à reproduire les chasses aux sorcières auxquelles nous assistons aux États-Unis », a déclaré Corey Balsam, coordinateur national de Voix juives indépendantes (VJI) Canada. « Étant donné la nature politisée de cette soi-disant étude, qui vise clairement à délégitimer et à réduire au silence ce qui est devenu un vaste mouvement populaire contre le génocide israélien à Gaza, il n’est pas surprenant que les voix critiques aient été exclues », a-t-il ajouté.
Ariel Salzmann, professeur à l’université Queen’s, partage cet avis. « Sur la base des témoignages recueillis à ce jour, il est clair que ces audiences parlementaires ne feront pas des campus des espaces plus sûrs où les étudiants pourront débattre des questions brûlantes de notre époque. En tant qu’institution du bien commun, le Parlement canadien a l’obligation d’entendre une diversité de points de vue pour éclairer son rapport. ».
« Confondre l’antisionisme et l’antisémitisme n’est pas seulement inexact et nuisible pour les Canadiens qui soutiennent les droits de la personne des Palestiniens, cela rend également les étudiants juifs moins sûrs », déclare Jonathan Brown Gilbert, un étudiant juif diplômé de l’Université de Toronto. « Cela perpétue l’idée que l’État d’Israël et les juifs du monde entier forment une entité monolithe, que le gouvernement israélien agit au nom de tous les juifs du monde. En tant qu’étudiants et professeurs juifs, nous refusons cet amalgame ».
Les membres de la coalition ont proposé une longue liste d’experts et de parties prenantes respectés pour les audiences, mais aucun d’entre eux n’a été sélectionné. Au contraire, les seuls points de vue représentés sont ceux qui défendent l’État d’Israël et qui sont d’accord avec l’idée que les Juifs ne sont pas en sécurité sur le campus en raison du militantisme pro-palestinien. Et ce, malgré le fait que des étudiants juifs, comme Anna Swanson de l’Université de Guelph, qui a envoyé une soumission écrite, ont été au cœur du mouvement des campements à travers le pays.
De même, malgré son expertise internationalement reconnue, Sheryl Nestel, chercheuse affiliée au New College de l’Université de Toronto et auteure de la soumission de Voix juives indépendantes (VJI) au comité, n’a pas été invitée à participer.
La Coalition partage également de profondes inquiétudes quant aux prochaines auditions sur l’islamophobie. Le Conseil national des musulmans canadiens a notamment comparé ces études aux « comités fallacieux de McCarthy il y a plusieurs décennies », notant qu’aucune partie prenante musulmane n’a été consultée avant le lancement de l’étude.
Les membres de la coalition, l’Association des avocats canadiens arabes (ACLA), les Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient (CJPMO), le Conseil canadien des affaires publiques musulmanes (CMPAC) et VJI viennent de publier des recommandations sur la manière de combattre l’antisémitisme et le racisme anti-palestinien par le biais d’une approche intersectionnelle. Le racisme anti-palestinien est une forme de racisme anti-arabe qui réduit au silence, exclut, efface, stéréotype, diffame ou déshumanise les Palestiniens et leurs expériences.
« La commission parlementaire a choisi de diviser artificiellement la lutte contre l’antisémitisme et l’islamophobie, et d’effacer la question brûlante du racisme anti-palestinien, alors que nous devrions plutôt nous attaquer ensemble à ces formes de haine interdépendantes », a déclaré Dyala Hamzah, professeur d’histoire à l’Université de Montréal. « Le rapport sur la lutte contre l’APR et l’antisémitisme propose des recommandations importantes que la commission de la justice devrait suivre si elle veut vraiment créer un changement significatif ».
« Si les politiciens canadiens tentent de répondre aux préoccupations en matière de sécurité », déclare Natalie Kouri-Towe, professeur d’études sur la sexualité à Concordia, qui est à la fois juive et arabo-libanaise, « ils doivent entendre les professeurs et les étudiants qui ont travaillé dur pour affronter les tensions politiques difficiles sur le campus de manière à prévenir l’antisémitisme et l’islamophobie, et non pas diviser nos communautés par des discours alarmistes ».
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