Conférence sur l’antisémitisme à Ottawa : des tribunes ouvertes aux racistes

Les 16 et 17 octobre, le Centre pour Israël et les affaires juives (CIJA) et les fédérations juives du Canada organisent à Ottawa une conférence intitulée Antisémitisme : Face It, Fight It, coparrainée par le Fonds national juif ( JNF) Canada. Bien que la conférence soit présentée comme une tentative de lutte contre l’antisémitisme, les commanditaires et les orateurs prévus pour la conférence nous font croire qu’il y a un autre agenda à l’œuvre.

Dans un article paru récemment dans le National Post, Shimon Fogel, directeur général du CIJA, a révélé l’objectif de la conférence en déclarant : « Nous voulons entendre les dirigeants du secteur politique affirmer que l’antisionisme équivaut à l’antisémitisme ». 

Voix juives indépendantes s’oppose fermement à ce postulat et a écrit à tous les membres du Parlement pour leur faire part de ses profondes inquiétudes face à cette tentative de fusionner un point de vue politique qui s’oppose à la domination israélienne sur les Palestiniens avec la haine des juifs. Comme l’a récemment déclaré Omar Barghouti, défenseur palestinien des droits de l’homme, « les crimes israéliens n’ont rien de juif et s’y opposer n’a rien d’antijuif ».

VJI est également consterné par les nombreux orateurs de la conférence, dont plusieurs, ou dont leurs organisations, propagent l’islamophobie, le racisme anti-palestinien et même l’antisémitisme. Ces conférenciers représentent certaines des figures les plus chauvines de la politique juive internationale. Il n’y a pas parmi eux de spécialistes reconnus de l’antisémitisme. Nombre d’entre eux sont associés à des mouvements qui soutiennent l’apartheid israélien et accusent régulièrement d’antisémitisme ceux qui défendent les droits de l’homme des Palestiniens.

Vous trouverez ci-dessous la lettre de VJI aux députés ainsi que des détails sur six des conférenciers et un sponsor de la conférence. Ces informations portent sur les opinions et les actions qu’ils ont publiquement exprimées et qui remettent en question la légitimité de la conférence.  Ces intervenants comparaîtront aux côtés du procureur général Arif Virani, du bloquiste Yves-François Blanchet, du chef de l’opposition Pierre Poilievre et de l’ambassadeur désigné d’Israël Iddo Moed, entre autres. Les députés ont été invités à assister à certaines parties de la conférence sur la Colline du Parlement.

Lettre ouverte de Voix juives indépendantes au sujet de la conférence trompeuse du CIJA sur l’antisémitisme

Mesdames et Messieurs les Députés,

Le Centre pour Israël et les affaires juives (CIJA) et les fédérations juives du Canada organisent à Ottawa une conférence intitulée Antisémitisme : Face It, Fight It, coparrainée par le Fonds national juif ( JNF) Canada. Bien que la conférence soit présentée comme une tentative de lutte contre l’antisémitisme, les commanditaires et les orateurs prévus pour la conférence nous font croire qu’il y a un autre agenda à l’œuvre.

Dans un article paru récemment dans le National Post, Shimon Fogel, directeur général du CIJA, a révélé l’objectif de la conférence en déclarant : « Nous voulons entendre les dirigeants du secteur politique affirmer que l’antisionisme équivaut à l’antisémitisme ». Arsen Ostrovsky, conférencier vedette et idéologue anti-palestinien notoire, renforce le message de Fogel en proclamant qu’« il ne peut y avoir d’équivoque : l’antisionisme est de l’antisémitisme ».

Il est essentiel de souligner que le sionisme est une doctrine politique qui appelle à la création et au maintien d’un État juif, qui privilégie les droits des Juifs par rapport à ceux des non-juifs, dans le territoire historique de la Palestine. Il est erroné de confondre l’opposition au sionisme avec l’antisémitisme, la haine des Juifs. Un nombre croissant de Juifs et d’autres personnes rejettent le sionisme pour des raisons éthiques. Ils ne peuvent pas être considérés comme des antisémites. En outre, les Palestiniens ont parfaitement le droit de s’opposer au sionisme, car il constitue la base idéologique de leur oppression.

Le rapprochement de l’antisionisme et de l’antisémitisme effectué par Fogel et Ostrovsky remet en question l’objectif déclaré de cette conférence. Au cours des dernières années, l’oppression par Israël de ses citoyens palestiniens ainsi que des Palestiniens vivant sous son contrôle en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza a suscité un concert croissant de condamnations internationales, ainsi que des appels au changement. Plutôt que de répondre à ces préoccupations en modifiant son comportement, Israël et ses partisans ont choisi de lancer une campagne internationale visant à qualifier ses détracteurs d’« antisémites ».

Cette conférence entre dans le cadre de la campagne en question.

Les orateurs et les commanditaires de la conférence représentent certaines des organisations et des personnes juives les plus chauvines du monde. Aucun d’entre eux n’est une autorité reconnue en matière d’antisémitisme. Plusieurs d’entre eux sont associés à des mouvements qui soutiennent ouvertement l’apartheid israélien et qui attaquent régulièrement ceux qui défendent les droits de l’homme des Palestiniens. Les politiques adoptées par bon nombre de ces orateurs sont contraires aux valeurs juives de justice sociale et ne sont pas partagées par de nombreux juifs canadiens.

Il est particulièrement frappant que l’un des principaux promoteurs de cette conférence soit le Fonds national juif (JNF), une organisation anti-Palestinienne et coloniale qui soutient l’expansion des implantations israéliennes illégales et contribue activement à l’expropriation des Palestiniens. Il contrôle 13 % des terres d’Israël, qu’il réserve au bénéfice exclusif des Juifs, alors que les non-juifs représentent 25 % de la population israélienne.

Il faut à tout prix s’inquiéter de la montée de la haine des juifs et des autres manifestations de racisme dans le monde d’aujourd’hui. Elles doivent toutes être combattues avec force. Mais nous ne pouvons pas permettre que les efforts de lutte contre ces fléaux sociaux soient détournés par ceux dont le but est de justifier et de défendre les politiques racistes de l’État d’Israël, que les organisations internationales, israéliennes et palestiniennes de défense des droits de l’homme qualifient toutes aujourd’hui de manifestations de l’apartheid.

Les commanditaires et les orateurs de cette conférence pourraient tenter d’exploiter le choc et l’indignation du pays suite à l’ovation accordée par le Parlement à un ancien membre d’une organisation nazie. On vous demandera peut-être de faire preuve de contrition en adoptant la position selon laquelle l’opposition au sionisme constitue une forme d’antisémitisme. Mais cette insulte à la mémoire des Juifs, des Polonais et des autres victimes de cette organisation nazie ne peut être corrigée en soutenant ou en participant à une conférence qui justifie l’oppression ailleurs.

Cordialement, 

Voix juives indépendantes Canada

Présentation des orateurs et du sponsor de la conférence

Arsen Ostrovsky – conférencier

  • Directeur général de l’International Legal Forum, un groupe qui s’oppose au droit des étudiants de critiquer la politique israélienne et qui a été financé par le ministère israélien des Affaires stratégiques, dont l’objectif premier est de s’opposer au BDS, et non à l’antisémitisme.
  • Rédige des articles pour le Gatestone Institute, un organe de réflexion notoirement islamophobe, qui est connue pour donner une tribune aux auteurs qui déclarent « haïr l’islam » et pour soutenir des personnalités politiques antimusulmanes, telles qu’Éric Zemmour aux élections présidentielles de 2022 en France.

Kasim Hafeez, chrétiens unis pour Israël (CUFI) – conférencier

  • M. Hafeez est le directeur adjoint de la communication pour les messages de CUFI, la plus grande organisation de chrétiens évangéliques sionistes au monde, dont un grand nombre de membres croient que le soutien à Israël contribue à ouvrir la voie à la seconde venue de Jésus-Christ.
  • CUFI est dirigé par John Hagee, une personnalité notoirement islamophobe qui défend des points de vue théologiques extrêmes, à tel point que le républicain américain John McCain a désavoué le soutien de Hagee en 2008, selon Ha’aretz.
  • Hagee – le patron de ce conférencier – a suggéré qu’Hitler et les six millions de Juifs morts étaient l’instrument de Dieu pour faciliter l’installation d’autres Juifs en Israël.

Gil Troy – conférencier

  • Qualifie les enclaves de résistance palestinienne de « tumeurs » qu’Israël « élimine », ajoutant que ces « excroissances mortelles doivent être supprimées ».
  • Qualifie les Juifs non sionistes, critiques et antisionistes de « un-Jews », affirmant qu’une telle judéité est contraire à la judéité « appropriée » et qu’elle est condamnée à « s’étioler »
  • Écrit que « le terrorisme infecte la société et la politique palestiniennes » dans une colonne du Jewish Post, dans laquelle il qualifie également les antisionistes de « termites ».

Shai DeLuca – conférencier

  • Un ancien combattant des forces de défense israéliennes qui s’est associé à des organisations juives de droite agressives telles que CAMERA, Stand with Us et le United Grassroots Movement (UGM). 
  • DeLuca fait partie du conseil d’administration de l’UGM aux côtés de plusieurs membres qui ont été accusés d’islamophobie, de racisme et d’endossement de théories conspirationnistes.
  • Il décrit son service dans les forces de défense israéliennes comme une « expérience formidable qui a changé sa vie », au cours desquels il a participé à des combats actifs et à la fabrication d’explosifs en tant qu’ingénieur.

Emily Schrader– conférencier

  • Schrader déshumanise régulièrement les Palestiniens et fait des commentaires incendiaires et racistes sur Twitter, affirmant que « la commémoration de la Nakba est une offense », que « les Arabes en 1948 […] étaient des agresseurs » et déclarant que la Palestine « n’a jamais existé ».
  • A mené une campagne en ligne pour minimiser les expériences des Palestiniens de Sheikh Jarrah, en décrivant leur expulsion de leurs maisons comme une « revendication » falsifiable, plutôt que comme la poursuite d’un nettoyage ethnique.

Mike Fegelman, directeur général de Honest Reporting Canada (HRC) – conférencier

  • HRC tente de censurer la couverture médiatique de la Palestine-Israël, ayant harcelé plus de 80 organes de presse canadiens.
  • Comme l’écrit le journaliste Davide Mastracci (The Maple), l’objectif de HRC est « d’amener les médias à être pro-israéliens, mais à le faire sous le prétexte de se préoccuper des faits, de l’impartialité et de l’honnêteté ».
  • Le HRC fait pression sur les médias pour qu’ils disent « terroriste » au lieu de « militant », « Judée et Samarie » au lieu de « Cisjordanie », et pour qu’ils cessent de qualifier les acquisitions de terres israéliennes de « colonies illégales »
  • Mike Fegelman a soutenu dans ses articles le système routier discriminatoire et fondé sur l’apartheid Israëlien, qui empêche les Palestiniens d’accéder aux routes réservés aux Israéliens.

Fonds national juif (JNF) du Canada – sponsor

  • Le JNF est une société paragouvernementale en Israël dont les terrains ont été obtenus par des ventes de terres manipulatrices et par des déplacements violents et forcés des Palestiniens. 
  • En 2019, le journaliste de la CBC Evan Dyer a écrit que JNF Canada a financé des projets militaires israéliens, en violation des règles gouvernant les organisations caritatives canadiennes.
  • En Israël même, le JNF a été accusé de corruption par le contrôleur de l’État et a fait l’objet de contestations devant la Haute Cour en raison de ses pratiques ouvertement discriminatoires.
  • « Le JNF du Canada est un organisme de bienfaisance 1 étoile avec un score inférieur à la moyenne en ce qui concerne la communication des résultats. Il n’est pas transparent sur le plan financier et dispose de fonds de réserve pour couvrir les coûts des programmes pour une période de plus de neuf ans », a écrit Charity Intelligence Canada dans une évaluation.
  • En 2019, la Direction des organismes de bienfaisance de l’ARC a informé JNF Canada qu’elle avait l’intention de révoquer son statut d’organisme de bienfaisance en réponse à la campagne Stop JNF Canada de VJI. JNF a fait appel et retient toujours son statut.